Selon les responsables de l'école, le savoir-faire enseigné émanerait de Radèn Ayu Nyi Djoyo Rekdjoso, princesse de lignée royale issue de la dynastie de Mataram à Java-Centre. C'est son fils, Radèn Mas Rekso Widjoyo qui aurait fondé la première école au début du XIXème siècle à Baledono, près de Magelang.
L'école se serait ensuite développée de père en fils jusqu'à ce que Saring Hadi Poermono rationalise les techniques et institutionnalise l'école sous le nom de Merpati Putih (MP) le 12 avril 1963 à Yogyakarta (Java Centre).
Très respectée en Indonésie, l'école a développé depuis sa fondation des partenariats avec les milieux médicaux et sportifs. Elle participe aussi à former la garde présidentielle, ainsi que certains groupes d'élite de l'armée indonésienne. MP est réputée pour ses techniques de maîtrise de la "force vitale" (tenaga dalam). Cet élément caractéristique du pencak silat javanais implique un apprentissage qui se fonde sur des exercices respiratoires pratiqués suivant des combinaisons de postures spécifiques.
Les mises en pratique qui permettent au pratiquant de tester son potentiel de tenaga dalam sont notamment la casse d'objets durs et la détection d'objets cachés. À force d'entraînement, de concentration et de méditation, les pesilat de MP parviennent à concentrer leur énergie en un point du corps et à ressentir les ondes qui constituent le milieu ambiant. Les résultats sont spectaculaires, et l'on n'y croit guère qu'après en avoir fait soi-même l'expérience...
Les notions de base du système philosophique de l’école Merpati Putih
La base du système philosophique de l’école se présente tout d’abord en référence à la phrase javanaise Mersudi patitising tindak pusakané titising hening. Pour les membres non javanais, la phrase est traduite en indonésien par Mencari sampai mendapatkan tindakan yang benar dalam ketenangan, c’est-à-dire : « Chercher, jusqu’à obtenir, un comportement juste par la voie de la paix intérieure ». Les deux termes (indonésiens) qui composent le nom de l’école, Merpati Putih, forment l’acronyme de cette phrase composée de termes tirés du javanais littéraire.Pour les responsables de l’école, mersudi signifie « chercher » dans le sens le plus actif du terme, c’est-à-dire rechercher de toutes ses forces, en s’investissant pleinement, jusqu’à trouver et obtenir. Les raisons et le but véritables qui motivent la recherche doivent être « ressentis et vécus » (i. dihayati). Chaque pas et chaque mouvement doivent être effectués en s’accompagnant d’une véritable « introspection » (j., i. mawas diri). Pour y parvenir, on peut se référer au proverbe qui dit: « L’introspection forme la base du courage » (j. Mulat sarira hangrasa wani).
Ils confèrent à patitising le sens de « précision, viser juste, être en accord (avec le système de valeurs sociales) ». Il convient pour ce faire de garder à l’esprit que ce qui est bien pour soi ne l’est pas forcément pour les autres. Il faut rester humble et ne pas faire démonstration de ses connaissances et de ses capacités.
Tindak signifie « attitude, comportement, conduite », laquelle se reflète dans la « prestation » (i. penampilan). La prestation chez MP s’élabore depuis les activités perpétuées au lieu d’entraînement jusqu’à celles du stage-examen, notamment celui qui a originellement lieu sur la plage de Parangkusumo. Chacun doit s’efforcer d’être un exemple pour ses camarades afin de former un « pont » (i. jembatan) sur lequel les nouvelles générations peuvent passer. L’essentiel est d’adopter un comportement « humble » (i. rendah hati; j. andhap asor), « honnête » (i., j. jujur), « désintéressé » (i. belas kasih; j. welas asih) et « avisé » (i. arif bijaksana; j. arif wijaksana).
Pusakané ne sert pas ici à désigner un pusaka en tant qu’objet physique, mais un « principe » (i. pedoman) qui forme un pilier de vérité, une vérité profonde qui représente l’oriflamme de l’école et qui en protège chaque membre.
Titising Hening signifie que l’on doit commencer par quelque chose de « spécifique » (i. khusus), de « pur » (i. bersih; j. resik) et de « sacré » (i., j. suci). Pour atteindre « pureté et paix » (i., j. hening), il faut savoir « se contrôler » (i. pengendalian diri pribadi), anihiler toute « volonté dissociée » (i. kehendak), supprimer les « désirs » (i. nafsu; j. nepsu). Le plus important de tout est l’attitude de « rémission » (i., j. pasrah) vis-à-vis du « Créateur » (i. Yang Maha Agung dan Maha Pencipta).
En interprétant par périphrases, cela nous donne: - rechercher de tout son cœur, - avec pour référence constante précision et partage équilibré, - qui sont les garants d’une attitude empreinte d’humilité et de sagesse, - laquelle attitude forme le principe d’une vérité profonde, - qui permet d’accéder à la paix des sens et de l’esprit, et à la sérénité.
On voit ici que le cœur de l’enseignement s’attache au comportement comme base de la relation. Il y a reconnaissance, dans la mise en pratique de cette philosophie, de ce que sont, en quelque sorte, les caractéristiques des comportements asociaux : « indécision » (i. kebimbangan), « déséquilibre » (i. ketidakmantapan), « arrogance » (i. kesombongan), « turbulence » (i. keributan), « tourmente » (i. kebingungan), etc.; ce sont les types de comportements – volontaires ou involontaires – qui ont pour conséquence la mise en avant de la personne par rapport aux règles sociales de conduite, qui sont à éviter dans la relation.
Il ne s’agit donc pas d’une simple vue de l’esprit, d’une philosophie dans le sens occidental du terme mais d’un principe relationnel dans lequel l’harmonie sociale, ici mise en adéquation avec le terme pusakané, est en accord avec l’harmonie cosmique, laquelle est mise en adéquation avec les termes titising hening. Cette interrelation entre le social et le cosmique est exprimée, par les responsables, dans l’énoncé plus moderne de « rémission à Dieu » (pasrah kepada Yang Maha Agung dan Maha Pencipta).
La description des entraînements, du système de transmission et l’histoire de l’école, montrent qu’il s’agit d’une rémission active. La puissance divine s’exprime dans chacun de nos faits et gestes, y compris les pensées. Elle s’exprime d’autant plus fort que le sujet est actif au niveau de la relation et qu’il ne se dissocie pas de son environnement. La paix intérieure et la sérénité sont les signes qualitatifs de cette non dissociation.
(source : Jean Marc Degrave, info.apps.free.fr )